Nouvelle publication de la professeure Fournier dans l’ouvrage « État et religions »!
À la suite de sa participationau colloque international « État et Religions » à l’Université catholique de Louvain(UCL) en Belgique, le 25 novembre 2016, la Professeure Pascale Fournier a été sollicitée par la Maison d’édition juridique ANTHEMIS afin de contribuer à la rédaction d’un ouvrage collectif paru en juin 2018. Rassemblant l’UCL, l’Université de Renneset l’Université d’Ottawa, ce colloque avait pour objectif l’exploration de trois axes thématiques : les fondements des rapports entre l’État et la religion, la coexistence des droits universels individuels et des régimes juridiques nationaux ainsi que la discrimination religieuse. Ces trois thèmes ont été étudiés dans une perspective territoriale comparative avec la Belgique, la France et le Canada. Étant donné l’expertise de la professeure Fournier dans le domaine du droit comparé et, plus particulièrement, de l’interaction du droit religieux et du droit civil, elle fut appelée à discuter du second axe avec force et détails.
Sa présentation, intitulée « La liberté de religion, la laïcité et le droit à l’égalité : rencontre avec des femmes pratiquantes » inspire donc la publication de ce nouvel ouvrage, connu sous le titre « Droit, religion et égalité : rencontres avec des femmes pratiquantes ». L’article examine, à partir des théories du pluralisme juridique critique et du féminisme, l’importance de recentrer le débat entre liberté de religion et égalité des genres sur ses principales protagonistes : les femmes pratiquantes. C’est à travers les récits de plusieurs femmes religieuses juives et musulmanes habitant en France ou en Angleterre que la Professeure Fournier met son hypothèse de travail à l’épreuve. Selon elle, la reconnaissance du mariage religieux dans un État laïc aurait des conséquences tant sur la subjectivité des femmes que sur les effets distributifs du droit.
Prenons le cas des femmes musulmanes en Angleterre. Puisque l’État anglais ne reconnaît pas le droit de la famille musulman, les couples musulmans doivent, s’ils veulent avoir une reconnaissance juridique de leur mariage, tenir une cérémonie laïque au civil. Si cette formalité n’est pas remplie, le mariage sera considéré comme une simple union libre. D’ailleurs, il est estimé que près de 80 % des mariages musulmans ne sont pas enregistrés et que ce nombre ne cesse d’être à la hausse. Ceci a des conséquences désastreuses sur la situation des femmes musulmanes qui ne peuvent tirer profit d’une procédure civile en divorce et de plusieurs autres protections juridiques ainsi que des avantages économiques. En revanche, les femmes britanniques juives, dont le mariage religieux est reconnu juridiquement par l’État en raison du Mariage Act 1949, peuvent contester les normes religieuses et avoir ainsi accès aux recours civils, lesquels leur seraient normalement niés dans leur régime religieux. Ce phénomène de contestation et de légalisation du droit religieux s’observe également auprès des femmes croyantes de France. Pour ces femmes, le mariage islamique et le mariage juif entrainent des obligations qui sont profondément contractuelles et peuvent être structurés par des méthodes de négociation, de transaction et des mécanismes d’application. C’est pourquoi les tribunaux civils français ont, par le passé, appliqué le mahr(somme que le mari doit à sa femme au moment du divorce) selon la doctrine de la « condition contractuelle du mariage » et qu’ils considèrent que le refus d’accorder le get constitue une faute engageant la responsabilité civile du mari. En d’autres mots, l’existence sociale du droit religieux légitimé par le droit civil français offre aux femmes des minorités religieuses, un réel pouvoir de négociation tant dans le domaine religieux privé que dans le domaine civil séculier.
Bref, nous pourrions dire qu’une reconnaissance du droit religieux est inévitable en paysage séculier si nous voulons assurer la protection de tous les citoyens et particulièrement celle des plus vulnérables. En effet, les recherches de la Professeure Fournier démontrent qu’une interaction, même minime, entre les sphères religieuses et civiles dans un État laïc est souhaitable parce que cela donne au droit une malléabilité qui est essentielle afin de protéger les intérêts des femmes religieuses et ceux de leurs enfants. En terminant, si les sociétés laïques ouvrent la voie à un dialogue juridique internormatif, cela permettra non seulement de réaffirmer le rôle des femmes religieuses en tant qu’actrices sociales du droit, mais en plus, de répondre aux abondantes recherches féministes qui s’engagent à réinterpréter les doctrines inhérentes au droit juif et islamique.