Pascale Fournier publie dans trois ouvrages académiques
Pascale Fournier a tout récemment publié trois chapitres dans des ouvrages académiques qui paraissent tous cet été. Ces trois contributions traitent des droits des femmes issues de minorités religieuses, abordant chacune des enjeux spécifiques et soulevant différentes questions.
Elle signe d’abord (en collaboration avec Erica See) “The ‘Naked Face’ of Secular Exclusion: Bill-94 and the Privatization of Belief”, chapitre de l’ouvrage Religion in the Public Sphere: Canadian Case Studies, (University of Toronto Press: Toronto, 2014) dont Solange Lefebvre et Lori Beaman sont les éditrices. Ce chapitre aborde le projet de loi 94 (Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements) déposé en 2010 par le gouvernement québécois de Jean Charest, en aval de la saga des accommodements raisonnables et à la suite des recommandations de la Commission Bouchard-Taylor.
Fournier s’attarde à la place qu’occupe la laïcité québécoise dans le débat plus large portant sur la place de la religion au sein des sociétés occidentales ainsi qu’aux effets distributifs qu’engendreraient de telles mesures législatives sur la société québécoise, plus précisément les effets discriminatoires sur certains groupes minoritaires. Elle s’intéresse également à l’opinion publique vis-à-vis ce projet de loi et aux chaînes discursives et idéologies qui les alimentent, notamment les perceptions de l’égalité homme-femme. Elle se questionne quant à la signification du projet de loi 94 en tant que point tournant : succès d’un mouvement féministe qui fait la fierté de la Belle Province ou dernier affront d’un patriarcat qui marginalise un groupe de femmes minoritaires ? Ces questions demeurent brûlantes d’actualité alors qu’au lendemain de la défaite du gouvernement péquiste, la proposition des Libéraux refera sans doute surface dans un avenir rapproché.
La professeure Fournier publie également (en collaboration avec Régine Tremblay) “Translating Religious Principles into German Law: Boundaries and Contradictions” dans Comparative Law: Engaging Translation, (Routledge : Abingdon, 2014), édité par Simone Glanert. Cette contribution s’inscrit dans une littérature bourgeonnante sur l’intersection entre les normes religieuses et les lois dites séculaires. À l’aide d’entrevues effectuées auprès de femmes juives et musulmanes allemandes, Fournier se penche sur l’interaction tangible entre les normes religieuses et le droit civil allemand, un processus qui dévoile des délimitations beaucoup plus floues que ne le prétendent certains courants académiques qui s’entêtent à tracer des lignes marquées entre deux systèmes régulatoires hermétiques. Ainsi, la perméabilité mutuelle du civil et du religieux est peut-être due à la discrétion quasi-absolue qui caractérise les procédures religieuses et à leur informalité. Fournier examine de plus près les facteurs qui régissent et influencent l’application de normes religieuses, souvent perçues à tort comme harmonieuses, et souligne qu’elles sont plutôt sujettes aux intérêts que poursuivent les parties et les adjudicateurs ainsi que la façon dont ils négocient ceux-ci. Cette réalité étant également celle du droit de la famille civil, ces observations viennent illustrer l’importance de tenir compte des réalités inhérentes au droit de la famille en général dans le cadre de tout projet de reconnaissance de normes religieuses au sein du droit étatique.
Finalement, Pascale Fournier publie “Please Divorce Me! Subversive Agency, Resistance and Gendered Religious Scripts” dans Muslim Family Law in Western Courts (Routledge: Abingdon, 2014), édité par Elisa Giunchi. Sa contribution traite de la médiation familiale en contexte religieux. La professeure Fournier s’intéresse aux discours opposés de ceux qui refusent la reconnaissance des normes religieuses sous prétexte que le droit civil représente un rempart contre l’oppression des femmes par la religion et ceux qui estiment que la sphère religieuse est un lieu d’expression des identités qui doit demeurer à l’abri du droit étatique en vertu des libertés individuelles des parties. Plus précisément, ce chapitre souligne en quoi cette traditionnelle dichotomie, omniprésente dans le débat entourant la laïcité, ne parvient pas à refléter adéquatement le véritable rôle que jouent les normes religieuses dans la vie de nombreux croyants canadiens et canadiennes. En s’appuyant sur son travail de terrain auprès des communautés juives et musulmanes de Montréal, Ottawa et Toronto, la professeure Fournier avance que pour ces croyants, la sphère religieuse et la sphère juridique civile ne sont pas des univers isolés mais plutôt un champ de bataille complexe sur lequel se distribuent coûts et bénéfices entre les parties qui mettent de l’avant des intérêts divergents. Empruntant à la littérature du droit socioéconomique qui conçoit et comprend l’unité familiale à la lueur des intérêts sociaux et économiques que poursuivent ses membres, cette contribution démontre que les parties à la recherche d’un gain optimal autant dans la sphère religieuse que dans la sphère civile s’approprient les normes religieuses d’une façon complexe qu’ignore toujours une abondante littérature académique.