Project-4-Projet-Israël—Palestine-Project-Israel—Palestine

Pascale Fournier présentant les travaux issus du présent projet lors d’une conférence au Oñati International Institute for the Sociology of Law.


Le système de droit de la famille israélien, qui descend du système millet en vigueur sous l’empire ottoman, confère juridiction exclusive aux autorités religieuses, notamment islamiques et rabbiniques, sur les procédures de mariage et de divorce. De plus, ces procédures sont régies presque exclusivement par le droit religieux. Il n’y a donc pas, en Israël, de mariage civil. Cela a mené plusieurs observateurs et observatrices à soutenir que puisque les juifs et musulmans d’Occident ont la possibilité d’ignorer la sphère religieuse « privée » pour se marier uniquement dans la sphère civile, ces individus jouissent nécessairement d’une meilleure condition sociale que leurs coreligionnaires d’Israël et du Moyen-Orient. Cela en a aussi mené plusieurs à plaider en faveur de l’introduction du mariage civil en Israël et au Moyen-Orient dans le but d’assurer l’égalité des femmes. Enfin, l’adoption en Israël de plusieurs régimes civils régissant des matières accessoires au divorce, notamment patrimoniales, a été interprétée par les tenant.e.s de la laïcisation du droit de la famille comme un signe de progrès social incontestable et absolu. Le présent projet vise à mettre ce point de vue à l’épreuve en analysant sur le terrain la condition des femmes juives et musulmanes d’Israël ainsi que le fonctionnement du droit de la famille israélien.

Par un travail de terrain et des entrevues avec six femmes juives (2011) et six femmes musulmanes (2012) israéliennes, ce projet s’attarde aux conséquences concrètes du droit religieux et du droit civil sur les femmes. Les participantes ont été recrutées indirectement, à travers la communauté universitaire et diverses organisations de la société civile israélienne. Dans le cas des femmes juives, le travail de terrain de la professeure Fournier révèle que le droit religieux israélien n’est pas toujours une source d’oppression devant être mise de côté par le droit civil. En effet, la professeure Fournier recense plusieurs cas où des solutions favorables aux femmes ont pu être obtenues par la voie religieuse. On en trouve un exemple avec la Loi sur les Sanctions, un mécanisme religieux qui permet aux tribunaux rabbiniques de faire pression sur les maris qui se prévalent de leur prérogative religieuse de refuser le divorce (souvent pour soutirer des concessions financières à leurs femmes). Cette loi permet aux tribunaux religieux d’imposer aux maris refusant le Ghet  diverses sanctions: confiscation du passeport, retrait du permis de conduire et même l’emprisonnement. Pour plusieurs femmes israéliennes, c’est cette loi religieuse, et non les lois civiles relatives aux matières accessoires au divorce, qui est porteuse d’émancipation. Quant aux femmes musulmanes d’Israël, le travail de terrain de la professeure Fournier révèle que toute tentative de protéger les femmes membres de minorités religieuses de lois inégalitaires doivent s’accompagner de mesures visant à diminuer l’aliénation des citoyen.ne.s minoritaires de la société majoritaire. De plus, ce travail de terrain démontre que sous le couvert d’une protection de l’identité, les interprétations conservatrices du droit religieux peuvent être renforcées et les femmes désavantagées dans le conflit entre une minorité aux réflexes identitaires et une majorité porteuse d’exclusion. Ce travail de terrain permet de conclure que les politiques en matière d’égalité des sexes doivent mettre de côté les solutions toutes faites et porter une attention constante au contexte socio-juridique et aux dynamiques politiques plus larges, qui pèsent sur tous les conflits familiaux, des plus grandioses aux plus privés et quotidiens.

Publications issues de ce projet :

Fournier, Pascale, “Halacha, the ‘Jewish State’ and the Canadian Agunah: Comparative Law at the Intersection of Religious and Secular Orders”, (2012) 65 Journal of Legal Pluralism, 165-204

Fournier, Pascale, McDougall, Pascal et Lichtsztral, Merissa, “Secular Rights and Religious Wrongs? Family Law, Religion and Women in Israel”, (2012) 18(2) William & Mary Journal of Women and the Law, 333-362

Fournier, Pascale, Pascal McDougall et Merissa Lichtsztral, “A ‘Deviant’ Solution: The Israeli Agunah and the Religious Sanctions Law”, dans John Eekelaar et Mavis Maclean, dir., Managing Family Justice in Diverse Societies, (Hart Publishing: Oxford, 2013), 89-105

Soutiens financiers :

Fondation du Barreau du Québec (5000$)

Fondation du droit de l’Ontario (9000$ en 2011, 7000$ en 2010)

Conseil de recherches en sciences humaines du Canada – Projet Religion et diversité (GTRC) (7 993$)